Etant la dernière personne a voir vu notre Grand Chef vénéré avant sa mystérieuse « disparition », il me revient la lourde tâche d’essayer de rassembler mes souvenirs afin de vous faire un compte-rendu le plus fidèle possible de cette incroyable aventure.
Il devait être environ 04h15 quand Tonio, responsable du Temple Microton décida de tous nous virer afin de prévenir les catastrophes qui ne manqueraient d’arriver vu l’alcoolémie moyenne de chacun. Nous nous retrouvâmes alors a cinq (à savoir Alex, Tipchit, Damien, Popeye et moi-même) dans la rue St Fuscien, direction rue Debray pour déposer Alex et Popeye. Malgré ce dernier qui nous tirait dessus avec un pistolet à eau vide, Tipchit qui dormait en marchant et Damien qui parlait, parlait et parlait encore nous arrivâmes sans encombre devant les modestes demeures des deux stars du bas de la rue Debray. Une grosse claque de Tipchit pour souhaiter une bonne nuit à Alex et nous repartons tous les trois vers nos lits. La première étape sera rue Dom Bouquet puis rue Frédéric Petit et enfin, je sais que d’ici environ ½ heure mon lit recueillera mon petit corps frêle et surtout presque autant rempli d’alcool que les fûts de la brasserie de St Omer. Je ne sais pas s’il est facile pour vous d’imaginer trois gars habillé avec des T-shirts oranges, arborant fièrement chacun une casquette gribouillée et remplie de pin’s faits main, un médaillon en pâte à sel autour du cou et une montre en carton au poignet, tentant de marcher le long du boulevard du Mail de la manière la plus honorable possible malgré quelques grammes d’alcool dans le sang, mais force est pour moi de convenir que nous ne devions pas avoir fière allure.
Comment expliquer ces quelques centaines de mètres (et cette bonne demie heure ?) en quelques mots ? Il faut bien admettre que j’étais le moins bourré des trois et l’amitié Microtonique qui m’unissait a ces deux pauvres loques me faisait prendre soin d’eux comme une éducatrice spécialisée à un groupe de petits handicapés. Dans les vapeurs embrumées de mon âme je pensais que Tipchit était le plus attaqué des deux. Il faut d’ailleurs décrire sa façon si particulière de se mouvoir qui consistait en trois pas vers la diagonale antérieure et deux pas vers l’arrière et qui le poussait inexorablement vers la route. Il me paraissait donc important de le prendre régulièrement afin de le ramener vers le « droit chemin » (si je peux me permettre cette expression vu notre marche en zig-zag). Et Damien alors ? Comme toujours quand il a bu, il parlait tout le temps, se répétant sans cesse, essayant toujours de capter mon attention avec des « hé Momo….. Écoute-moi…...il faut que je te dise quelque chose…. » Mais bien entendu il oubliait immédiatement ce qu’il avait à dire. Constatant que je n’étais pas en état d’attendre la fin de ses phrases, il s’est rabattu sur ses nouveaux amis, les arbres. Il est vrai que ceux-ci ne montrent jamais aucun signe de fatigue ou de lassitude quand on leur parle et, de plus, ils sont un soutien solide lorsque les jambes ont du mal à supporter votre poids corporel. Le seul souci que me causaient ces merveilles de la nature était qu’ils nous retardaient dans notre périple vers la gueule de bois et c’est ainsi même que, plusieurs fois, Tipchit nous attendit 50 mètres devant, tentant désespérément de réduire son polygone de sustentation mais sans succès. Malgré tout cela nous arrivâmes sans encombre (Ô miracle !) devant l’église St Honoré. Nous traversâmes tous les trois la rue et c’est devant ce lieu de recueillement, o combien laid, que je vis pour la dernière fois celui qui allait devenir pour nous tous une idole quelques heures plus tard. Pour vous décrire la situation, il faut savoir que je pris Tipchit par le bras gauche afin d’éviter les écarts inutiles pour les derniers mètres de son périple et je savais (ou sentais) que Damien était derrière moi et je ne me faisais que peu de souci pour lui (autant Tipchit est réputé pour être vraiment un boulet quand il est bourré autant pour moi, jusqu’à ce moment là, Damien savait rester a peu près digne dans ce genre de situation).
Enfin, nous arrivâmes devant la résidence, je laissai Tipchit et m’assurai tout de même qu’il dormirait, dans le pire des cas, dans le hall de son immeuble (pour l’expertise médico-légale, il est à noter qu’à ce moment là il n’y avait aucune trace de sang sur son oreille) et je me retourne afin de dire à Damien, « maintenant c’est ton tour » mais là surprise, Damien a disparu ! Je ne m’inquiète pas à ce moment là, il est sûrement sur le chemin de chez lui ou alors en train de vomir dans le petit parc où traînent les clochard habituellement.
Je retourne donc d’un pas alerte par exactement le même chemin qu’à l’aller et tente de scruter l’obscurité dans l’espoir de distinguer une masse penchée en avant avec un filet aux lèvres, mais que nenni…. Toujours pas de Damien ! Il est quasiment 5 heures du matin et vu mon état de fatigue je me dis qu’il a du sûrement prendre le chemin de chez lui dans l’espoir d’atteindre le plus rapidement possible les bras de Morphée. J’accélère donc le pas, tout en regardant un peu partout autour de moi dans l’espoir de le voir quelque part, afin de tenter de le rejoindre dans sa rue mais la rue est quasiment vide à l’exception des premiers vendeurs qui arrivent pour la réderie. Bien entendu, je suis surpris, je ne pensais pas que dans son état, il ait pu marcher si vite de l’église St Honoré jusque chez lui mais que faire de toute façon ? Je retourne chez moi, toujours étonné mais surtout toujours plein comme un boudin. Afin de m’assurer que notre grand chef et, néanmoins ami, va bien, je l’appelle mais après 4 sonneries c’est le répondeur et je lui laisse un message. Enfin je vais pouvoir aller me coucher et dormir…….
Ce n’est que quelques heures plus tard que j’apprendrai la Nouvelle, à midi et demi du matin, je ne comprends toujours pas…
Momo
Le 28/04/2003